Napoléon Bonaparte n'est pas passé à la postérité pour ses qualités de fin gastronome, contrairement à ses contemporains Jean-Jacques-Régis de Cambacérès et Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, qui sous le Consulat et l'Empire rivalisent pour être reconnus tenir la meilleure table de Paris.
Il est généralement décrit comme une personne considérant l'alimentation comme un simple besoin physiologique, ne consacrant à ses repas ni horaire régulier ni durée suffisante : il mange en dix minutes lorsqu'il est Général, en un quart d'heure Premier Consul, et une demi-heure Empereur, quand il n'est pas en campagne (là, il mange n'importe quand et n'importe où, à cheval le plus souvent), malgré les conseils de son médecin personnel Jean-Nicolas Corvisart des Marets, en particulier à compter de 1808.
S'agissant des mets et vins que Napoléon affectionne, nous avons donc peu de littérature d'époque qui y soit consacrée, mais ce thème a fait plus récemment l'objet de plusieurs publications, dans lesquelles certains goûts culinaires sont cités, que nous allons détailler.
Les viandes
La viande préférée de Napoléon est sans conteste la volaille.
Le poulet
Napoléon l'apprécie simplement grillé, accompagné de pommes de terre et d'oignons. Mais aussi sous forme de Poulet Marengo. Selon la légende, c'est à François Claude Guignet, dit Dunant (ou Dunand), que l'on doit cette recette, créée avec les moyens du bord (un petit poulet, trois oeufs, quatre tomates, six ecrevisses, de l'ail, de l'huile d'olive et un peu du cognac de la gourde même du Premier Consul) à l'issue de la bataille de Marengo le 14 juin 1800. Toutefois il semble bien s'agir d'une légende, Dunant n'entrant au service du Premier Consul qu'en 1802 ; c'est sans doute alors qu'il crée la recette, d'inspiration piémontaise, et la nomme en hommage à la dernière bataille victorieuse.

Sous l'Empire, cette recette va se décliner avec du veau et même du lapin.
D'autres recettes de poulet, créées en hommage à des personnes chères à l'Empereur, seront également à sa table : poulet à la Joséphine (flambé au cognac), à la Masséna (avec des artichauts), ou encore à la Duroc (sur un lit d'oignons et de truffes).
Autres volailles
Une curiosité, plus guère consommée de nos jours : le corbeau grillé.
Les autres viandes
Napoléon est peu amateur de viandes rouges, qu'il mange d'ailleurs très cuites.
Sont citées comme ayant sa faveur les viandes suivantes :
- Les crépinettes de porc
- Le ragoût de mouton
- Les côtelettes d'agneau
- Les rognons de veau
- Les charcuteries, comme tout Corse qui se respecte ...
Les poissons et fruits de mer
- Les rougets : Napoléon apprécie en particulier ce poisson méditerranéen lorsqu'il est à Gênes [Genova] en 1794 et 1805.
- La bouillabaisse à la sétoise : c'est André Pons de l'Hérault qui fait découvrir à Bonaparte, général de l’artillerie du Midi, ce plat typique de sa ville natale, celà à Bandol en 1794. Vingt ans plus tard, il invite à nouveau Napoléon à venir la déguster, chez lui à Rio Marina sur l'île d'Elbe.
- Les huîtres de l'Étang de Diane : exilé sur l'île d'Elbe [Elba], très proche de la côte orientale de la Corse, Napoléon se fait ravitailler chaque semaine en huîtres de cet étang [42.12736, 9.52296] au nord d'Aléria, réputées depuis l'antiquité romaine. Il a été raconté qu'à ces envois étaient jointes clandestinement des nouvelles de la situation en France, aux fins de préparer au mieux son retour.
Les plats simples
Les recettes simples sont en définitive celles que Napoléon préfère, tout au long de sa vie. En voici quelques exemples :
- Les petits pâtés chauds : en poste à Valence en 1785-1786, le jeune lieutenant Napoleone Buonaparte est un client régulier du Père Courriol, pâtissier et rôtisseur, chez qui il achète des petits pâtés chauds à 1 sol pièce, seule nourriture quotidienne que sa maigre solde lui permet de se payer.
- La polenta de châtaignes : c'est le plat de base, à cette époque, de tout Corse. Napoléon l'apprécie particulièrement.
- Le boudin à la Richelieu : c'est une recette fort simple, aux pommes (parfois en compote) aromatisées de cannelle. Les autres types de quenelles ont aussi sa faveur.
- Les sauces, dans lesquelles il aime tremper son pain.
- Les pâtes : dans l'enfance, Napoléon consomme tout naturellement à la table familiale des tagliatelles à la corse, ainsi que des lasagnes. Lors de la première Campagne d'Italie, il prend goût aux macaronis [maccheroni], si bien que lors de la campagne de Russie de 1812, l'intendance n'achète pas moins de 250 kilos de cette spécialité italienne.
- Les oeufs : c'est frits que Napoléon les préfère, mais il ne dédaigne pas les omelettes, même si un de ses seuls efforts culinaires pour en confectionner une, en présence de son épouse Marie-Louise, ait fini par terre par maladresse ...
Les légumes
Voici ce que l'on sait à ce sujet :
- Napoléon a conservé de son enfance le goût pour les châtaignes, source principale de nourriture en Corse.
- Les pommes de terre, qui se sont imposées définitivement avec la disette de 1811-1812, sont réputées appréciées de l'Empereur, en particulier lorsqu'il les partage avec ses grognards (une chanson en est issue : "Les pommes de terre de Napoléon", sur l'air de l'Angélus)
- Autre tubercule apprécié de Napoléon, la patate douce que Joséphine a acclimatée à la Malmaison.
- Il aime également les haricots verts, à la condition expresse qu'ils n'aient pas de fils, ainsi que les lentilles.
- Chose rare pour un méridional, il ne supporte pas l'ail.
Les fruits
Il n'y a guère de sources à ce sujet, si ce n'est son goût pour les dattes, qu'il a découvertes lors de la Campagne d'Egypte. Il apprécie également les amandes fraîches, le raisin et les cerises.
Les vins
Le Chambertin
Ce bourgogne, qui provient d'un terroir plus large que l'actuelle appellation (il comprend à cette époque l'aire de Gevrey-Chambertin, mais aussi certains climats de Morey, de Brochon ou de Fixin), est sans conteste le vin préféré de l'Empereur. Il ne consomme guère plus d'une demi-bouteille de ce breuvage, âgé de 5 ou 6 ans, qu'il coupe d'eau, comme cela se fait assez souvent à cette époque. C'est même chez lui le vin rouge français quasi-exclusif, encore que quelquefois il essaie un Clos-Vougeot ou un Château-Lafite.
Le Rossese di Dolceacqua
Napoléon apprécie beaucoup, dès la première campagne d'Italie en 1796-1797, ce vin rouge (probablement plus doux à l'époque que de nos jours) produit en Ligurie près de la fontière française. Visitant en 1805 le château de la famille Doria à Dolceacqua [43.85118, 7.62537], il accorde même à ses hôtes la permission de donner son nom au vin, ce qui ne sera toutefois guère utilisé.
Vins blancs de Loire
Le vin de Pouilly-sur-Loire [47.28392, 2.95556] issu du cépage sauvignon blanc (ancêtre du Pouilly-Fumé) fait partie des vins préférés de Napoléon, tandis que son épouse Joséphine lui a fait connaître le célèbre vin de la Coulée-de-Serrant [47.39315, -0.63911] près de Savennières.
Le Champagne
Ami proche de Jean-Rémy Moët (1758-1841), le petit-fils du fondateur de ce qui deviendra la célèbre maison de champagne Moët et Chandon, Napoléon profite de ses déplacements pour se rendre dans le vignoble Moët à Épernay y acheter quelques caisses de champagne, cela notamment à l'occasion de ses campagnes militaires. La première commande attestée date du 27 thermidor an 9 (15 août 1801), le jour de ses 32 ans.
Le 13 mars 1814, la Campagne de France voit Napoléon libérer la ville de Reims des Prussiens et des Cosaques. Il est hébergé pour la nuit par François Jean Irénée Ruinart, dans son château du Grand Sillery. Du 14 au 16, c'est Jean-Baptiste Ponsardin, frère de la célèbre veuve Clicquot, qui l'accueille dans sa maison du numéro 18 de la rue de Vesle, puis du 16 au 21 mars, alors qu’il regagne Paris avant sa première abdication, Napoléon Ier s’arrête pour la dernière fois à Épernay et remet à Jean-Rémy Moët sa propre croix de la Légion d’Honneur ... Autant d'occasions de boire du champagne, si on en croit cette maxime que l'on prête à l'Empereur : Après la victoire on le mérite, après la défaite on en a besoin.
Il se dit également que c'est l'Empereur qui a inventé le sabrage et cultivé cette coutume auprès de ses officiers après avoir remporté des batailles ...
Le Constantia
C'est lors de son exil sur l'île de Sainte-Hélène qu'il aime à consommer ce vin doux réputé, originaire d'Afrique du Sud et issu du vignoble Groot Constantia.
Les autres boissons
L'eau
C'est glacée que Napoléon l'affectionne, bien que ce ne soit pas toujours possible, par exemple lors de l'exil à Sainte Hélène. Sur l'île d'Elbe, on sait qu'il aime se désaltérer à la source nommée Fonte dell'Acquaviva [devenue depuis, comme il se doit, la source Napoléon] [42.78461, 10.17793]
Le thé
Boisson nationale des Britanniques, il se trouve que Napoléon l'apprécie également, en particulier au lever. Encore que parfois il préfère une infusion de fleurs d'oranger, qui lui rappelle la Corse.
Le café et le chocolat
Napoléon consomme abondamment du café. Toutefois, son secrétaire Louis Antoine Fauvelet de Bourrienne relate que, lorsqu'il travaille tard, ce n'est pas du café qu'il se fait apporter mais du chocolat. A cette époque, c'est celui de Paris qui est le plus réputé, par son savant dosage de cacao, de vanille, de cannelle et de sucre.
Le Cognac
En 1811, Napoléon rend visite au négociant en vins Emmanuel Courvoisier dans sa boutique de spiritueux à Paris. Il en naîtra en 1835 la célèbre maison de cognac, puis la marque "Napoléon" avec la silhouette de l'Empereur sur l'étiquette de la bouteille.
Les desserts et friandises
Pour ce qui est des desserts, Napoléon adore les gaufres roulées et fourrées à la crème.
Il en est de même pour les timbales de macaronis "à la Milanaise".
Enfin, pour finir sur une douceur, la friandise préférée de Napoléon est la réglisse anisée, qu'il grignote toute la journée.