Duc d'Auerstaedt, prince d'Eckmühl
Prononciation :
Le 10 mai 1770 naît à Annoux Louis-Nicolas d'Avoust (dit Davout), descendant de l'une des plus illustres familles de Bourgogne. A ce titre, en 1785, il entre comme cadet-gentilhomme à l'École militaire de Paris, dont Napoléon Bonaparte vient de sortir.
Sous-lieutenant depuis 1788 au régiment de Royal-Champagne-cavalerie (qui a déjà vu passer son père, son oncle et son grand-père), Davout se montre dès les débuts de la Révolution un fervent partisan des idées nouvelles. Mais ses supérieurs ne partagent pas son enthousiasme. Ils envoient en prison le trop ardent patriote sous l'accusation de pousser les soldats de son régiment à la mutinerie. Rapidement libéré, Davout donne sa démission pour s'engager dans un régiment de volontaire de l'Yonne qui l'élit lieutenant-colonel une semaine après son arrivée (22 septembre 1791).
En 1792 et 1793, Davout se bat dans le Nord et en Belgique sous les ordres de Charles-François Dumouriez. Il est à Neerwinden le 18 mars 1793 et lorsque son chef passe à l'ennemi, il tente en vain de l'arrêter, faisant tirer sur le traître par les hommes de son bataillon. Sans succès. Sa carrière se poursuit en Vendée. En juillet, il est nommé coup sur coup général de brigade puis de division ; il a vingt-trois ans. Selon certains, il refuse cette promotion et démissionne pour obéir au décret excluant de l'armée les officiers d'origine noble. Selon d'autres, il est destitué à cause de ce même décret, à moins que ce ne soit en raison d'une correspondance échangée entre sa mère et des membres de l'émigration.
Après le 9 thermidor et la chute de Maximilien Robespierre (27 juillet 1794), Louis-Nicolas Davout demande à reprendre du service et est envoyé comme général de brigade à l'armée du Rhin. Il y est placé sous le commandement de Louis Charles Antoine Desaix, avec lequel il se lie d'amitié.
En septembre 1795, Davout s'empare de la ville de Mannheim. Mais il doit capituler deux mois plus tard et se retrouve prisonnier (22 novembre). Rapidement échangé, il continue à se battre sur le Rhin durant les deux années suivantes. Il est à Haslach (14 juillet 1796), au passage du Rhin (18 avril 1797) et c'est lui qui s'empare, le 21 avril suivant, d'un fourgon du chef du service secret du Prince de Condé, le baron de Klinglin, dans lequel on découvre la correspondance qu'entretient le général Jean Charles Pichegru avec les émigrés.
C'est sur la recommandation de Desaix que Napoléon Bonaparte, d'abord rebuté par l'extérieur peu amène de Davout, consent à emmener ce dernier en Égypte. Louis-Nicolas y commande une brigade de cavalerie à la tête de laquelle il prend part à nombre des batailles de la campagne (Pyramides, Louqsor, Aboukir). Devenu le principal collaborateur de Desaix, il quitte l'Égypte avec celui-ci le 3 mars 1800, suite à la signature de la convention d'Al Arish.
Arrivé à Toulon le 6 mai (les anglais l'ont retenu un mois à Livourne), il est promu général de division le 3 juillet et nommé à la tête de la cavalerie de l'armée d'Italie.
Le 12 novembre 1801, Louis-Nicolas Davout épouse Louise-Aimée-Julie Leclerc, la soeur du général Charles Victor Emmanuel Leclerc, beau-frère du Premier consul. Il entre ainsi dans le cercle familial de Napoléon Bonaparte. Celui-ci, décidément revenu de sa première impression défavorable, le nomme en 1802 commandant des grenadiers de la garde consulaire puis, le 19 mai 1804, Maréchal et colonel général des grenadiers à pied de la garde impériale.
L'année suivante, Davout commande l'aile droite de l'armée française à Austerlitz, prenant une part décisive à la victoire.
En 1806, Davout remporte la bataille d'Auerstaedt avec trois divisions face au gros de l'armée prussienne et permet ainsi la victoire d'Iéna. Entré le premier à Berlin le 25 octobre, précédant de deux jours l'Empereur , il remporte encore plusieurs batailles en Pologne, à Czarnowo et à Golymin, et commande à nouveau l'aile droite à Eylau. Il est récompensé de ses succès par la charge de gouverneur général du grand-duché de Varsovie (15 juillet 1807) et le titre de duc d'Auerstaedt (28 mars 1808).
Davout quitte Varsovie le 6 septembre 1808, après un séjour d'un peu plus d'une année, au cours duquel il s'est attiré la sympathie du peuple, mais qu'il a passé en conflit permanent avec le simulacre de gouvernement que le traité de Tilsitt a institué en Pologne. Il s'installe alors en Silésie avec son corps d'armée, le IIIème, qu'il commande depuis 1805. Après la dissolution de la Grande-Armée (12 octobre 1808), il devient le chef de l'Armée du Rhin qui regroupe toutes les forces françaises stationnées en Allemagne.
Il participe à la campagne d'Autriche en qualité de chef du troisième corps de la Grande Armée. Le 22 avril 1809, il s'illustre à Eckmühl ; le 22 mai, la rupture du pont sur le Danube l'empêche d'intervenir durant celle d'Essling ; le 6 juillet, il décide du sort de la bataille de Wagram. Le 15 août suivant, le maréchal Davout devient prince d'Eckmülh.
Le 1er juillet 1810, Napoléon le nomme commandant en chef de l'armée d'Allemagne. A ce titre, Davout est tout spécialement chargé de surveiller le nord du pays et ses grands ports, que l'Empereur veut totalement fermer au commerce anglais. Le maréchal exécute ses instructions avec une inexorable rigueur. Par ailleurs, il se livre à d'intenses préparatifs en vue de l'invasion de la Russie.
Le 23 juin 1812 à minuit, c'est à lui qu'il revient de déclencher l'offensive par le franchissement du Niémen. Commandant du premier corps de la nouvelle Grande Armée, Davout a sous ses ordres cinq divisions d'infanterie et deux brigades de cavalerie, soixante-sept mille hommes en tout. Il y fait régner, comme à son habitude, une stricte discipline et un ordre parfait.
La campagne de Russie n'apporte pourtant à Davout que désagréments et humiliations. Napoléon Ier tient de moins en moins compte de ses avis ‒ c'est ainsi que son plan est repoussé lors de la peu décisive bataille de la Moskowa (au cours de laquelle Davout est blessé) et que la route de l'aller, dévastée par la guerre, est à nouveau empruntée au retour. Dans les conflits qui opposent le maréchal à ses collègues, l'Empereur donne presque systématiquement raison à ceux-ci et en particulier à Joachim Murat, avec lequel les relations du prince d'Eckmühl sont exécrables. (A plusieurs reprises, ce dernier refuse d'apporter son soutien aux troupes du roi de Naples, qu'il accuse de livrer certains combats dans le seul but d'accroître son prestige. Il faut l'intervention de Napoléon pour éviter un duel entre les deux hommes.) La retraite, qu'il effectue dans des conditions particulièrement difficiles ‒ J'ai certainement fait les quatre cinquièmes de la route de Moscou à pied
écrit-il à sa femme ‒ voit revenir de Russie un Davout déprimé et aigri.
Il n'en défend pas moins Dresde avec ardeur du 9 au 19 mars 1813 puis reçoit le commandement de la 32ème division militaire, comprenant les départements hanséatiques qu'il a déjà gouvernés en 1810. Ayant reçu de Napoléon des instructions particulièrement dures à l'égard de Hambourg, Davout les applique sans douceur, s'attirant l'hostilité de la population. En août, à la reprise des hostilités, il s'enferme dans la ville qu'il ne livre que le 27 mai 1814, plus d'un mois après l'abdication de Napoléon Ier. Encore est-ce à un général français, et sur ordre direct de Louis XVIII.
De retour à Paris, Davout est reçu par le nouveau ministre de la guerre, Pierre Dupont de l'Étang. Celui-ci lui apprend que le roi interdit au maréchal de séjourner à Paris et lui demande de justifier sa conduite pendant le siège de Hambourg. Davout doit répondre à trois chefs d'inculpation : avoir fait tirer au canon en avril 1814 sur le drapeau blanc des rois de France qu'il voyait flotter sur le camp de ses assiégeants, avoir saisi l'or de la banque de Hambourg, avoir commis des actes arbitraires (dont nombre d'exécutions capitales) propres à rendre odieux le nom français. Le mémoire écrit par Davout pour s'expliquer étant resté sans réponse, il fait intervenir Nicolas Charles Oudinot puis Jean-de-Dieu Soult auprès du Roi, qui refuse de les écouter. Le maréchal s'enferme alors dans la retraite sur ses terres, au château de Savigny .
Il en sort au retour de Napoléon. Le jour même de l'arrivée de l'Empereur à Paris (20 mars 1815), il est aux Tuileries. Après avoir une première fois refusé le poste de ministre de la Guerre, arguant de son mauvais caractère, Davout se rend aux raisons de Napoléon (Je laisse [...] croire que j'agis de concert avec mon beau-père, l'empereur d'Autriche... la vérité est qu'il n'en est rien, que je suis seul, seul en face de l'Europe. Voilà ma situation. Voulez-vous m'abandonner ?
) et entreprend de remettre sur pied un appareil militaire passablement délabré. Il se montre alors, durant les Cent-Jours, travailleur infatigable et excellent organisateur.
L'Empereur rejoint l'armée le 12 juin, laissant Louis-Nicolas Davout investi des pouvoirs de commandant en chef des forces stationnées dans la région parisienne. Après Waterloo, le ministre de la Guerre tente d'abord de persuader un Napoléon 1er désemparé de poursuivre la lutte. Pourtant, une fois passée l'abdication, c'est lui qui doit se charger (non sans avoir tenté de se dérober à cette commission) de demander à Napoléon de quitter la capitale. L'entrevue est orageuse et les deux hommes se séparent très froidement.
Après la signature de la convention militaire de Saint-Cloud, le 3 juillet, Davout démissionne du ministère (6 juillet) et ramène son armée sur la Loire en application de cet accord. Trois semaines plus tard il remet le commandement de ses troupes à Etienne Macdonald, chargé par le Roi de les licencier. Il se retire ensuite de nouveau à Savigny.
Appelé à témoigner au procès du maréchal Ney, il déclare, en tant que signataire de la convention du 3 juillet 1815 réglant les détails de la capitulation, qu'il n'aurait jamais paraphé ce document s'il n'avait pas dû couvrir, dans son esprit, tous ceux qui avaient pris part aux Cent-Jours. Le déplaisir de Louis XVIII devant cette déposition est tel que le maréchal est privé de ses traitements et placé en résidence surveillée à Louviers. Le prince d'Eckmuhl, qui ne dispose plus de ses dotations, situées dans des pays qui ont cessé de dépendre de la France, connaît alors la misère. La sanction est enfin levée au bout de dix-huit mois. Le maréchal retrouve son bâton le 27 août 1817 et entre à la chambre des pairs le 5 mars 1819.
Il meurt à Paris de phtisie le 1er juin 1823. Il repose au cimetière du Père Lachaise, division 28.
"Le maréchal Davout, duc d'Auerstaedt, Prince d'Eckmühl" par Tito Marzocchi de Belluci (Florence 1800 - Paris 1871), d'après Pierre-Claude Gautherot (dit Claude Gautherot, Paris 1769 - Paris 1825).
Davout est le seul maréchal invaincu de Napoléon.
Napoléon ne mesura pas sur le champ l'importance de la bataille d'Auerstaedt. Quand l'aide de camp de Davout vint lui annoncer le chiffre des pertes subies par l'ennemi, l'Empereur s'écria ironiquement : Votre maréchal qui n'y voit pas d'ordinaire (Davout avait la vue très basse et portait des lunettes), y a vu double hier.
Le cinquième bulletin de la Grande-Armée, du 15 octobre (lendemain des deux batailles) ne mentionne même pas le nom d'Auerstaedt.
Le caractère du maréchal Davout était si difficile que ses collaborateurs, dans leurs écrits, tracent généralement de lui un portrait à charge. Il semble qu'il ait fait tout son possible pour se mettre à dos ses subordonnés. Selon eux, il se montrait méfiant, exigeant, autoritaire ; il avait organisé dans ses services un système d'espionnage auquel nul d'entre eux n'échappait ; brutal, la moindre observation qu'il se permettait devenait grossière ; rancunier, il se prévenait facilement contre quelqu'un et ne revenait jamais sur son opinion. Les plus acerbes doivent cependant lui reconnaître une totale intégrité en matière d'argent, une grande sollicitude pour la troupe et un sens du devoir quasi fanatique. Il était par ailleurs bon père de famille et bon mari, et se montrait Au dernier point paternel pour les soldats, bon pour les officiers subalterness, [...] sévère pour les chefs.
Le nom "Davoust" est inscrit sur la 13e colonne (pilier Est) de l'arc de triomphe de l'Etoile.
Carrière militaire détaillée
établie par M. Eric Le Maître (voir son site web), mise en ligne avec son aimable autorisation.Blessures au combat
Par un boulet à la Moskowa, le 7 septembre 1812.Captivité
Fait prisonnier à la capitulation de Mannheim, le 18 septembre 1795.Capturé par les britanniques à son retour d'Égypte.
Premier engagement
Nommé sous-lieutenant au régiment de Royal-Champagne-cavalerie, le 2 février 1788.Évolution de carrière
Sous-lieutenant, le 2 février 1788.Lieutenant-colonel en premier, le 22 septembre 1791.
Adjudant général chef de bataillon, le 8 juillet 1793.
Général de brigade, le 25 juillet 1793.
Général de division, le 30 juillet 1793 ; mais il refuse cette promotion et démissionne.
Général de brigade de cavalerie, le 21 septembre 1794.
Général de division, le 3 juillet 1800.
Maréchal d'Empire, le 19 mai 1804.
Colonel-général de la Garde Impériale, le 14 juin 1804.
États de service
Au royal Champagne cavalerie, le 2 février 1788.Elu lieutenant-colonel au 3e bataillon des volontaires de l'Yonne, le 22 septembre 1791.
A l'armée du Nord, en 1792.
A l'armée de Belgique, en 1793.
A l'armée des côtes de La Rochelle, le 8 juillet 1793.
Nommé général de division à l'armée du Nord, il refuse son commandement et démissionne.
A l'armée de la Moselle, le 21 septembre 1794.
A l'armée de Rhin-et-Moselle, le 7 juin 1795.
A l'armée d'Angleterre, le 12 janvier 1798.
A l'armée d'Orient, le 14 avril 1798.
De retour en France, Commandant toute la cavalerie de l'armée d'Italie, le 26 août 1800.
Inspecteur des troupes à cheval des 1ère, 14e, 15e et 16e divisions militaires, le 24 juillet 1801.
Commandant les grenadiers à pied de la garde consulaire, le 28 novembre 1801.
Commandant du camp de Bruges, le 29 août 1803.
Commandant les grenadiers à pied de la garde impériale, le 14 juin 1804.
Commandant le corps de droite de l'armée des côtes de l'Océan, le 20 juin 1805.
A la Grande Armée, campagne de 1805 : Commandant du 3e corps, le 23 septembre 1805.
Gouverneur général du Grand Duché de Varsovie, le 15 juillet 1807.
Commandant de l'armée du Rhin, le 12 octobre 1808.
Commandant le 3e corps de l'armée d'Allemagne, le 30 mars 1809.
Commandant en chef de l'armée d'Allemagne, le 1er janvier 1810.
Gouverneur général des villes hanséatiques, le 1er décembre 1810.
Commandant le corps d'Observation de l'Elbe, le 15 février 1812.
A la Grande Armée, campagne de Russie : Commandant 1er corps, le 1er avril 1812.
Commande l'arrière-garde, du 26 octobre au 3 novembre 1812.
Commande le 1er corps de la nouvelle Grande Armée, le 12 mars 1812.
Gouverneur de la 32e division militaire, le 16 avril 1813.
Commandant le 13e corps de la Grande Armée, le 1er juillet 1813.
Organise et dirige la défense de Hambourg qu'il n'évacue que le 27 mai 1814.
Ministre de la Guerre, le 20 mars 1815.
Pair de France aux Cent-Jours, le 2 juin 1815.
Commandant de l'armée de la Loire, le 5 juillet 1815.
Exilé à Louviers, privé de traitement et surveillé par la police, 1815-1816.
Rétabli Maréchal de France, le 27 août 1817.
De nouveau Pair de France, le 5 mars 1819.
Autres portraits
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"Le maréchal Davout, duc d'Auerstaedt, Prince d'Eckmühl" par Pierre Gautherot (1769-1825).
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"Le maréchal Davout" gravure du XIXème siècle.
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"Louis-Nicolas Davout, en uniforme de lieutenant-colonel au 3ème bataillon de l'Yonne en 1792" par Alexis Nicolas Pérignon le jeune (1785-1864).
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"Le maréchal Davout, duc d'Auerstaedt, Prince d'Eckmühl" par Tito Marzocchi de Belluchi (1800-1871).
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"Le maréchal Davout", gravure d'Amédée Maulet (1810-1835).