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Napoléon & Empire

Bataille du Mont-Thabor

Date et lieu

  • 16 avril 1799 aux alentours de Fouli [de nos jours Afula, Israel], au pied du mont Thabor en Galilée.

Forces en présence

  • Armée française (4 000 à 5 000 hommes selon les sources) sous le commandement du général Napoleon Bonaparte. 
  • Armée ottomane (25 000 à 35 000 soldats selon les sources) sous les ordres d’Abdallah Pacha. 

Pertes

  • Armée française : 2 morts, 60 blessés. 
  • Armée ottomane : 2 000 morts ou blessés, 500 prisonniers. 

La bataille du Mont-Thabor est une conséquence du siège de Saint-Jean-d’Acre [Akko] [32.91972, 35.06927], un port de Galilée sur la mer Méditerranée, par l’armée française d’Orient.

La situation

Au début de l’année 1799, Napoléon Bonaparte entre en Syrie [qui correspond actuellement à l'état d'Israël] pour se porter à la rencontre des troupes que les Turcs envoient secourir l’Égypte.

Il progresse d’abord vers le nord avec la rapidité qui le caractérise. Mais la place forte de Saint-Jean d’Acre, ville puissamment fortifiée   et dont le port  est un enjeu stratégique, qu’il ne peut laisser sur ses arrières, l’arrête. On est à la mi-mars.

Vue de Saint-Jean d'Acre
Saint-Jean d'Acre [de nos jours Akko]

Le siège s’éternise. La solidité de la place s’accroît de jour en jour grâce aux secours amenés par les Anglais, tandis que l’armée française, au contraire, manque d’artillerie comme de munitions et est en proie aux maladies.

L’ennemi en profite pour rassembler d’importantes forces autour de Damas [دمشق], sous la direction d’Abdallah (Abdullah Pasha al-Azem - عبد الله باشا العظم), Pacha de Damas. Le 4 avril, celui-ci passe le Jourdain , faisant peser une lourde menace sur les arrières de l’armée d’Orient. Bonaparte doit réagir.

 

Opérations préliminaires

Jean-Andoche Junot, avec un détachement de quatre cents à cinq cents hommes, est envoyé en reconnaissance en direction de Nazareth . Le 8 avril 1799 (19 germinal an VII), il s’y trouve assailli par un corps de trois à quatre mille cavaliers mamelouks et turcomans, auxquels il fait face avec un magnifique brio [ce combat, dit de Nazareth, sera illustré par Antoine-Jean Gros en 1801 ]. Après les avoir repoussés, Junot se replie dans un village situé au pied du mont Thabor .

Le lendemain, à la nouvelle de ce combat, Napoléon Bonaparte envoie le général Jean-Baptiste Kléber et les trois mille hommes qui composent le reste de l’avant-garde rejoindre Junot. Le 14 avril (25 germinal an VII), après en avoir prévenu Napoléon, Kléber se met en marche dans l’intention d’attaquer les Turcs dans la nuit du 15 au 16. Son plan prévoit de déboucher dans le camp adverse vers deux heures du matin après avoir progressé à la faveur de l’obscurité.

Napoléon choisit de profiter de cette opération pour obtenir une bataille décisive. Il a compris qu’Abdallah n’entend offrir aux Français que des engagements limités qui les épuiseront peu à peu et diviseront leurs forces. Pour échapper à ce péril, il lui faut au contraire une confrontation générale, au demeurant plus favorable, a priori, aux armes françaises.

Il laisse donc devant Acre les divisions des généraux Jean-Louis-Ébénézer Reynier  et Jean Lannes et part le 15 (26 germinal an VII) avec la division de Louis André Bon  et un peu d’artillerie pour rejoindre Kléber.

Simultanément, il envoie Joachim Murat avec mille hommes et un régiment de cavalerie sur les arrières des Turcs, avec mission de bloquer l’une de leurs voies de retraite puis de rejoindre le plus vite possible Kléber. Ce dernier va en effet se retrouver aux prises avec un ennemi largement supérieur en nombre.

La bataille

La situation de Kléber est d’ailleurs pire que prévue. Ses soldats se sont égarés dans la nuit et n’ont atteint l’objectif fixé qu’au lever du jour. L’effet de surprise escompté n’opère donc pas, Abdallah ayant été prévenu de l’arrivée des troupes françaises suffisamment tôt pour mettre en selle ses cavaliers.

Face à un ennemi bénéficiant d’un avantage numérique considérable (vingt-cinq mille hommes contre trois mille), les troupes françaises forment deux carrés et s’appuient sur quelques ruines où leur ambulance s’installe.

Malgré la soif et le manque de munitions, les soldats de Kléber résistent une bonne partie de la journée aux assauts de la cavalerie turque. Leurs tirs, effectués à bout portant, lui causent des pertes considérables, au point qu’un véritable rempart d’ennemis morts se forme autour des carrés français.

Vue du Mont Thabor
La plaine d'Esdraelon [vallée de Jezréel], où se tinrent les combats. Au fond, le Mont Moréh

Au bout de six longues heures de combat, alors que ses pertes sont considérables, que ses munitions s’épuisent et que la perspective d’un désastre se profile, l’armée de Kléber voit déboucher du mont Thabor  Napoléon Bonaparte. Avec lui arrivent les trois mille hommes de la division du général Bon.

Vue du Mont Thabor
Vue du Mont Thabor, qui a donné son nom à la bataille (Photo © Eva-Elise Grau)

Ceux-ci, divisés en deux colonnes organisées elles aussi en carrés, forment avec les troupes de Kléber les trois angles d’un triangle équilatéral au centre duquel se retrouve l’ennemi. En outre, quelques régiments sont détachés, les uns pour canaliser la retraite des Turcs, les autres pour attendre ceux-ci là où ils auront été poussés et les fusiller dans leur fuite.

Prise à revers et en flanc, coupée de son camp situé à plusieurs lieues du champ de bataille, placée sous le feu croisé des troupes de Kléber et de celles de Bonaparte, la cavalerie turque est massacrée. Événement rare dans l’histoire militaire, c’est pour une fois l’infanterie qui charge la cavalerie à la baïonnette !

Les fantassins d’Abdallah abandonnent alors le combat, laissant six mille morts sur le terrain et leur chef aux mains de l’ennemi. Beaucoup des fuyards se noieront un peu plus tard en tentant de traverser le Jourdain   à gué, Murat s’étant, conformément à ses instructions, emparé du pont des Filles de Jacob [détruit en 1948] qu’ils comptaient emprunter. D'autres réussiront à s'échapper par le pont de Medjameh  [32.62458, 35.56461], au sud du lac de Tibériade .

Le pont de Medjameh
Le pont de Medjameh sur le Jourdain, par où s'enfuirent une partie des ottomans

Conséquences

Saint-Jean-d’Acre ne doit plus espérer de secours. La ville continuera pourtant de résister jusqu’à ce que les Français lèvent le siège et s’en retournent en Égypte [مصر].

La Sublime Porte, après cette défaite, ne sera plus en mesure d’opposer une nouvelle armée aux envahisseurs français avant trois mois. Ce sera la bataille d’Aboukir.

Carte de la bataille du Mont-Thabor

Batailles napoléoniennes - Carte de la bataille du Mont-Thabor

Tableau - « Bataille du Mont-Thabor ». Peint en 1837 par Léon Cogniet et Henri-Félix-Emmanuel Philippoteaux.

Batailles napoléoniennes - Tableau de la bataille du Mont-Thabor -

Amédée Duquesnel a écrit un poème épique sur la bataille du Mont-Thabor. Le télécharger (format epub)

Témoignages

Compte-rendu par Napoléon au Directoire

Combat de Nazareth

Cependant une armée nombreuse s’était mise en marche de Damas ; elle passa le Jourdain le 17.

L’avant-garde se battit toute la journée du 19 contre le général Junot, qui, avec cinq cents hommes des deuxième et dix-neuvième demi-brigades, la mit en déroute, lui prit cinq drapeaux, et couvrit le champ de bataille de morts ; combat célèbre, et qui fait honneur au sang-froid français.

Combat de Cana

Le 20, le général Kléber partit du camp d’Acre ; il marcha à l’ennemi, et le rencontra près du village de Cana. Il se forma en deux carrés. Après s’être canonné et fusillé une partie de la journée, chacun rentra dans son camp.

Bataille du Mont-Thabor

Le 22, l’ennemi déborda la droite du général Kléber, et se porta dans la plaine d’Esdrélon pour se joindre aux Naplousins. Le général Kléber se porta entre le Jourdain et l’ennemi, tourna le mont Thabor, et marcha toute la nuit du 26 au 27 pour l’attaquer de nuit. Il n’arriva en présence de l’ennemi qu’au jour. Il forma sa division en bataillon carré : une nuée d’ennemis l’investit de tous côtés ; il essuya toute la journée des charges de cavalerie : toutes furent repoussées avec la plus grande bravoure.

La division Bon était partie le 25 à midi du camp d’Acre, et se trouva le 27, à neuf heures du matin, sur les derrières de l’ennemi qui occupait un immense champ de bataille. Jamais nous n’avions vu tant de cavalerie caracoler, charger, se mouvoir dans tous les sens. On ne se montra point, notre cavalerie enleva le camp ennemi, qui était à deux heures du champ de bataille. On prit plus de quatre cents chameaux et tous les bagages, spécialement ceux des Mameloucks.

Les généraux Vial et Rampon, à la tête de leurs troupes formées en bataillons carrés, marchèrent dans différentes directions, de manière à former, avec la division Kléber, les trois angles d’un triangle équilatéral de deux mille toises de côté : l’ennemi était au centre. Arrivés à la portée du canon, ils se démasquèrent : l’épouvante se mit dans les rangs ennemis ; en un clin d’œil, cette nuée de cavaliers s’écoula en désordre, et gagna le Jourdain ; l’infanterie gagna les hauteurs ; la nuit la sauva.

Le lendemain, je fis brûler les villages de Djényn, Noures, Oualar, pour punir les Naplousins.

Le général Kléber poursuivit les ennemis jusqu’au Jourdain.

Bonaparte

Au quartier général devant Acre, le 27 floréal an VII (16 mai 1799).

Remerciements

La photo du Mont-Thabor nous a été gracieusement fournie par Mme Eva-Elise Grau.

Crédit photos

  Photos par Lionel A. Bouchon.
  Photos par Marie-Albe Grau.
  Photos par Floriane Grau.
  Photos par Michèle Grau-Ghelardi.
  Photos par Didier Grau.
  Photos par des personnes extérieures à l'association Napoléon & Empire.