Prince de Smolensk
Fils d'un ingénieur militaire issu d'une famille prussienne, Mikhaïl Illarionovitch Golenichtchev-Koutouzov (Михаил Илларионович Голенищев-Кутузов) vient au monde le 16 septembre 1745 à Saint-Pétersbourg [Санкт-Петербу́рг], et y fait de solides études.
Dès l'âge de quatorze ans, en 1759, il sort diplômé de l'école d'artillerie de Dvorianstvo (ce terme désignant la noblesse russe), puis est promu commandant de l'infanterie d'Astrakhan de l'impératrice Catherine II (Екатерина II Алексеевна). Il connaît son baptême du feu en Pologne en 1764, faisant toute la campagne jusqu'en 1769, puis à partir de 1770 combat les Ottomans durant la Guerre russo-turque de 1768-1774. Il est grièvement blessé en 1774, une balle lui traversant la boîte crânienne et entraînant la perte de son oeil droit. Un congé d'un an lui est accordé en 1776 ; il le consacre à voyager en Europe, suivant notamment des cours à l'université de Strasbourg.
En 1784, Koutouzov est nommé général-major. Placé sous les ordres d'Alexandre Vassilievitch Souvorov (Алекса́ндр Васи́льевич Суво́ров), qui deviendra son maître, il se bat à nouveau contre les Ottomans de 1788 à 1792, ce qui lui vaut d'être une nouvelle fois grièvement blessé au cours du siège d'Otchakov [Очаков] en 1788. Il participe à la prise d'Izmaïl en 1790, et gravit les échelons de la hiérarchie : lieutenant général en 1791, puis chargé du commandement d'un corps d'armée.
La paix venue, Koutouzov occupe successivement sous Catherine II puis Paul 1er (Павел I Петрович Романов) divers postes administratifs et diplomatiques : commandant de l'Ukraine, ambassadeur à Constantinople en 1795, gouverneur général de Finlande, commandant du corps des cadets de Saint-Pétersbourg, ambassadeur à Berlin, gouverneur militaire de Saint-Pétersbourg en 1801.
Les années qui suivent l'avènement d'Alexandre 1er (Александр I Павлович Романов) en mars 1801 le voient à l'écart des postes importants (peut-être parce qu'il a refusé de participer au complot ayant amené à l'assassinat de Paul 1er), mais tout change en 1805, lors de la troisième coalition contre la France. Alexandre 1er ne peut se passer des services de ce chef expérimenté (il a soixante ans), cultivé et rusé. Il le charge de soutenir les Autrichiens contre Napoléon Ier.
Dans un premier temps, Koutouzov affronte victorieusement le maréchal Adolphe Edouard Casimir Mortier à Dürrenstein (ou Dürnstein) le 11 novembre 1805. Le 2 décembre suivant, il se trouve à Austerlitz, où il déconseille au tsar Alexandre 1er de livrer bataille. Ce dernier passe outre et, après l'issue que l'on connaît, fait payer à Koutouzov le prix d'avoir eu raison contre lui : le vieux général est à nouveau relégué à des postes et fonctions de second ordre (gouverneur général de la Lituanie et de Kiev).
Il faut attendre 1811 pour voir Koutouzov à nouveau s'illustrer au combat : il remporte plusieurs victoires décisives contre les Ottomans en Moldavie, permettant à la Russie le gain de la Bessarabie (Moldavie orientale) lors du traité de Bucarest le 16 mars 1812. Cela lui vaut d'être élevé aux dignités de prince, de président du conseil d'état et de feld-maréchal.
C'est lors de la campagne de Russie, pour laquelle Alexandre 1er lui a confié le commandement en chef de l'armée russe chargée de contrer l'invasion du pays par la Grande Armée, que Koutouzov passe à la postérité tant par son génie stratégique que par son sens tactique. Il applique, pour la première fois dans l'histoire sur une si grande échelle, la stratégie de la terre brûlée sur près de deux mille kilomètres, de la frontière russe à Moscou [Moskva - Москва]. Parallèlement, tandis que ses troupes reculent au fur et à mesure de l'avancement de la Grande Armée, il lance contre celle-ci d'incessants harcèlements de Cosaques. Enfin, lorsque les troupes napoléoniennes approchent de Moscou, il choisit le terrain où la bataille se livrera : près du village de Borodino [Бородино], pour la démesurée bataille de la Moskowa du 7 septembre 1812, que les Français gagnent certes, mais au prix de considérables pertes.
Il a pris par ailleurs soin de faire totalement évacuer Moscou : quand les Français investissent la capitale, ils ne trouvent qu'une ville vide, et en flammes (sans qu'on puisse toutefois affirmer que l'incendie ait fait partie du plan de Koutouzov).
Lors de la catastrophique retraite hivernale à laquelle Napoléon 1er est contraint, Koutouzov continue sa stratégie de harcèlement par des petits groupes. Les combats de Dorogobouj [Дорогобуж] et la bataille de Krasnoï (près de Smolensk), du 15 au 18 novembre, valent à Koutouzov le titre de prince de Smolensk et le grand cordon de Saint-Georges. Lors du passage de la Bérézina les 27 et 28 novembre, c'est de peu que le reliquat de la Grande Armée parvient à lui échapper.
Alors que Koutouzov s'apprête à prendre le commandement des forces alliés de la sixième coalition, il succombe à une septicémie le 6 avril 1813, à Bunzlau [Boleslawiec] en Silésie. Il est inhumé en la Cathédrale Notre-Dame-de-Kazan, à Saint-Pétersbourg.
"Mikhaïl Illarionovitch Golenichtchev-Koutouzov", par Roman Maximovich Volkov (? 1776 - ? 1831).
Une statue équestre de Koutouzov honore sa mémoire sur l'avenue moscovite éponyme.
Durant la Seconde guerre mondiale, par une décision du Praesidium du Soviet suprême de l'URSS du 29 juillet 1942, fut créé l'Ordre de Koutouzov [Орден Кутузова] pour honorer des officiers supérieurs de l'Armée rouge. Il reste de nos jours, en Russie, une des plus hautes distinctions militaires.
Toutes les dates sur cette page sont dans le calendrier grégorien (alors en avance de onze puis douze jours sur le calendrier julien en usage en Russie à cette époque).
Les Postes de l'Union des Républiques Socialistes Soviétiques ont émis en 1945 un timbre de 30 Kopecks à l'effigie de Mikhaïl Illarionovitch Koutouzov ; les Postes de la République de Russie firent de même en 1995 avec un timbre de 300 Roubles .
Remerciements
La photo de la tombe du maréchal Koutouzov nous a été grâcieusement fournie par M. Pierre-Henri Landrieau.Autres portraits
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"Mikhaïl Illarionovitch Golenichtchev-Koutouzov", par George Dawe (St James's, Westminster 1781 - Kentish Town 1829).
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"Mikhaïl Golenichtchev-Koutouzov, Prince de Smolensk", par Jozef Oleszkiewicz (Szydlowo, Pologne, 1777 - Saint Petersbourg 1830).