Hudson Lowe naît le 28 juin 1769 à Galway, en Irlande. Fils d'un chirurgien-major, il est élevé à l'armée.
En 1793, alors qu'il est lieutenant, son régiment est envoyé en Corse prêter main-forte aux insurgés anti-français. Lowe tient ensuite garnison à Minorque où il organise et commande une compagnie franche formée de réfugiés corses. C'est à sa tête qu'il participe à la campagne d'Egypte. La formation est ensuite licenciée.
Lorsque les hostilités reprennent entre la France et l'Angleterre, après la rupture de la paix d'Amiens, il reçoit la mission de créer à nouveau un corps analogue, les Corsican Rangers, avec lesquels il occupe, en mai 1806, l'île de Capri. Deux ans plus tard, il se rend au général Jean Maximilien Lamarque qui a débarqué dans l'île avec 3 000 hommes.
Colonel en 1812, Lowe est chargé l'année suivante d'inspecter la Légion russo-allemande constituée par le Tsar Alexandre 1er à partir de déserteurs allemands de la Campagne de Russie. Après avoir croisé Madame de Staël en Suède, il se rend sur le front et assiste à la bataille de Bautzen au cours de laquelle il aperçoit pour la première fois Napoléon Ier.
En octobre 1813, Lowe est rattaché au quartier général de Gebhard Leberecht von Blücher. Après s'être trouvé en qualité de simple témoin à la bataille de Leipzig, il se rend en Hollande superviser la levée de troupes néerlandaises puis rejoint à nouveau l'armée prussienne comme représentant du haut-commandement anglais. A ce poste, il gagne l'estime et la confiance du vieux général et de son chef d'état-major dont il partage entièrement les vues : il faut aller jusqu'à Paris et dicter les conditions de paix au régime qui remplacera l'Empire détruit.
Après l'abdication de Napoléon, c'est Lowe qui en porte la nouvelle à Londres. Sa promotion au grade de général s'en suit peu après.
Lorsque les hostilités reprennent, en 1815, il reçoit le commandement d'un corps expéditionnaire qui doit envahir le midi de la France. Il occupe Marseille lorsqu'on lui offre le poste de gouverneur de l'île de Sainte-Hélène où Napoléon doit être déporté. La proposition s'accompagne de promesses d'avancement et d'un traitement conséquent. Lowe accepte.
Les instructions qui lui sont données à Londres prévoient de considérer Napoléon comme prisonnier de guerre et de monter autour de lui une garde aussi douce que possible mais stricte, lui interdisant toute possibilité d'évasion ainsi que toute communication avec qui que ce soit sauf par l'intermédiaire du gouverneur de l'île.
Lowe s'embarque pour Sainte-Hélène le 29 janvier 1816, en compagnie de sa femme et de ses deux belles-filles. Il emporte avec lui près de deux mille volumes destinés à son prisonnier.
Napoléon accueille d'abord favorablement la nouvelle de son arrivée, se réjouissant d'avoir affaire à un militaire ayant servi sous Blücher et commandé à des Corses. La première rencontre des deux hommes, le 14 avril 1816 se passe bien. Mais Lowe se montre immédiatement soucieux de renforcer la sûreté autour du captif. La deuxième rencontre entre Napoléon et lui, le 30 avril, est l'occasion pour l'ex-Empereur de se plaindre du sort que lui fait l'Angleterre et de ses conditions de détention (les habitants de l'île ont interdiction de lui parler). Le nouveau gouverneur reste inflexible.
Dans les jours qui suivent, Lowe indispose Napoléon en adressant au général Bonaparte
une invitation qu'il lui fait de se rendre à une réception donnée à Plantation House, le palais du gouverneur. Quelques jours plus tard, le 16 ou 17 mai, lors de leur troisième rencontre, Napoléon s'en plaint amèrement et accuse sans fard Hudson Lowe d'avoir été envoyé pour le tuer. L'incompréhension entre les deux hommes est établie et ne se démentira plus.
La quatrième entrevue a lieu le 19 (selon Emmanuel de Las Cases) ou le 20 juin, en présence d'un tiers, et se déroule convenablement.
La cinquième, le 17 juillet, en tête à tête, est l'occasion pour Napoléon d'exprimer ses griefs pendant deux longues heures : les limites dans lesquelles il peut se déplacer sans être accompagné d'un officier anglais sont trop étroites ; il ne peut communiquer avec personne dans l'île sans passer par le gouverneur ; il ne peut envoyer de lettres sans qu'elles soient ouvertes ; sa suite est soumise aux mêmes règles que lui ; le séjour de Longwood est malsain. Il reproche enfin à Lowe son respect tâtillon des instructions qu'il a reçues, indigne d'un officier général, et sa mauvaise foi.
Une nouvelle rencontre a lieu le 18 août, la dernière, la plus orageuse. Elle se place dans un contexte de réduction massive des dépenses consenties par l'Angleterre pour l'entretien de Napoléon. Celui-ci est même invité à pourvoir au surplus en s'adressant, au besoin, à son beau-fils Eugène de Beauharnais. Napoléon, arguant de l'impossibilité où il est de communiquer librement avec ses amis, refuse. Les relations déjà peu amènes entre Lowe et le comte Henri Gatien Bertrand, qui sert de truchement à l'Empereur, s'enveniment encore à cette occasion et aboutissent à une rupture complète. L'entrevue entre Napoléon et Lowe a lieu deux jours après cet incident, en présence de l'amiral Pulteney Malcolm. Après avoir fait mine d'ignorer le gouverneur, Napoléon, directement interpellé par celui-ci, donne entièrement raison à Bertrand, traite Lowe de bourreau et lui signifie qu'il ne désire plus avoir la moindre relation avec lui.
Ce voeu est exaucé. Le gouverneur de Sainte-Hélène ne revoit son prisonnier que cinq ans plus tard, après la mort de Napoléon.
Lowe quitte Sainte-Hélène le 25 juillet 1821 pour rentrer en Angleterre. Il s'y trouve en butte à l'hostilité de l'opinion publique, suite au pamphlet publié par le docteur O'Meara, se défend mal, et accepte finalement la place de gouverneur adjoint de Ceylan, où il se rend en 1825.
En 1830, l'opposition, formée d'hommes jadis favorables à une entente avec Napoléon, arrive au pouvoir et le force à quitter son poste.
Rentré à Londres, Lowe en est réduit, jusqu'à sa mort, à quémander la pension qui lui est due et qu'on lui refuse pourtant. Il y meurt, pauvre, le 10 janvier 1844.
"Sir Hudson Lowe". Gravure du XIXème siècle.
Sir Hudson Lowe n'était probablement pas le tortionnaire et le bourreau qu'a fait de lui la légende napoléonienne. Mais les fonctions qu'il a remplies le condamnaient d'avance. Un ange du ciel n'aurait pas pu nous plaire, s'il eût été gouverneur de Sainte-Hélène
, dira le comte de Montholon. Et Las Cases écrira : Il ne nous restait que des armes morales, il fallait réduire en système notre attitude, nos paroles, nos sentiments...
Le rôle de Lowe était donc défini à l'avance, quelle qu'ait pu être sa personnalité, dans la dernière bataille que livra Napoléon pour installer sa légende. On peut cependant penser que le caractère inquiet, soupçonneux et tâtillon de Lowe lui facilita la tâche de l'Empereur.
Le duc de Wellington ne fut pas le dernier à parler en termes très durs du geôlier de Sainte-Hélène : (he was a) very bad choice; he was a man wanting in education and judgement. He was a stupid man, he knew nothing at all of the world, and like all men who knew nothing of the world, he was suspicious and jealous
(il fut un très mauvais choix ; c'était un homme manquant d'éducation et de jugement. Il était stupide, ne connaissant absolument rien du monde, et comme tout homme ne connaissant rien du monde, il était soupçonneux et jaloux)
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