Prince de Metternich
Clément de Metternich vient au monde le 15 mai 1773 à Coblence [Koblenz], dans une famille rhénane de haute noblesse. Il entame ses études de droit à Strasbourg en 1788, les poursuit à Mayence [Mainz] du fait de la Révolution Française, et les abandonne quelques mois après le sacre de l'Empereur du Saint-Empire François II (1792). Il s'installe alors à Bruxelles, où son père vient d'être nommé ministre plénipotentiaire près le gouvernement général des Pays-Bas autrichiens.
D'emblée hostile à la Révolution, il applaudit à l'entrée en guerre de son pays. Dans quelques brochures qu'il rédige à l'époque, et dont l'une au moins sera imprimée ‒ anonymement ‒ il exhorte ses compatriotes au combat contre ces nouveaux barbares, défavorablement comparés à ceux du Vème siècle. Il va jusqu'à préconiser la levée en masse, à l'exception toutefois des oisifs, des prolétaires, des gens presque toujours prêts à l'émeute
. Là s'arrête sa contribution à l'effort de guerre. Les risques courus selon lui par la civilisation ne l'empêchent pas de se préoccuper essentiellement de ses affaires privées durant les années suivantes.
En septembre 1795, son père lui arrange un mariage très avantageux avec la petite-fille du grand chancelier de l'impératrice Marie-Thérèse : Eléonore Kaunitz. Metternich s'établit à Vienne [Wien], où il mène une vie paisible, cultivant son goût pour les arts et les sciences et paraissant de temps à autres à la cour.
En 1801, après la paix de Lunéville, Klemens von Metternich se décide à entrer dans la carrière diplomatique, peut-être à la demande personnelle de l'empereur François II. Parmi plusieurs postes qui lui sont proposés, il choisit celui de ministre plénipotentiaire en Saxe [Sachsen]. Il passe ensuite à Berlin (1803) ‒ où il presse la Prusse d'adhérer à la troisième coalition ‒ puis, après Austerlitz, alors qu'il se prépare à rejoindre Saint-Pétersbourg [Санкт-Петербу́рг], il est finalement désigné comme ambassadeur en France, à la demande de Napoléon lui-même.
Il arrive à Paris le 4 août 1806 et rencontre pour la première fois l'Empereur à Saint-Cloud lorsqu'il présente ses lettres de créance. Pour Metternich, Napoléon est la vivante incarnation des exécrables principes révolutionnaires. La relation qu'il donne de cette entrevue s'en ressent : Il portait l'uniforme de l'infanterie de la garde et avait le chapeau sur la tête. Cette dernière circonstance [...] me frappa comme une prétention déplacée et sentant le parvenu ; [...] Son attitude me parut annoncer de la gêne et même de l'embarras. [...] Sa figure courte et carrée, une tenue négligée et néanmoins une recherche marquée à se rendre imposant, achevèrent d'affaiblir en moi le sentiment de grandeur que l'on attachait naturellement à l'idée de l'homme qui faisait trembler le monde.
Metternich reste à Paris trois ans. Il y devient l’amant de la duchesse d'Abrantès, épouse du général Junot, mais également de Caroline Murat. Il entretient de bonnes relations avec Charles-Maurice de Talleyrand-Périgord, chef de la diplomatie française.
Dans son esprit, le traité de Presbourg [Bratislava], signé peu après la bataille d'Austerlitz, n'est qu'une trêve. Il considère cependant que Napoléon reste capable de battre l'armée autrichienne en quelques semaines. Il faut donc laisser à l'Autriche le temps de se renforcer et de préparer sa revanche. En attendant, le mieux est de se comporter en apparence comme un allié. Tous ses rapports préconisent d'éviter la rupture avec la France.
Cette rupture a pourtant lieu, à l'initiative du gouvernement autrichien, les 8-9 avril 1809. Metternich est expulsé de Paris le 15 mais n'arrive à Vienne qu'après la chute de la ville aux mains des Français. Napoléon se donne le plaisir de l'inviter à Schoenbrunn , invitation poliment déclinée.
D'abord porté à la tête de la délégation autrichienne qui négocie avec les Français, Metternich en est progressivement écarté, pour avoir exprimé une vision du futur de la Pologne qui déplaît à Napoléon.
La perte d'influence que traduit cette éviction est toutefois très momentanée. Dès le 8 octobre suivant, le poste de ministre des Affaires étrangères lui est confié et il devient de fait le membre le plus éminent du conseil d'État de l'empire d'Autriche (il ne deviendra officiellement chancelier d'État qu'en 1821). L'un de ses premiers actes est de signer la paix de Vienne, résultat de ces négociations.
Metternich mène ensuite une politique de temporisation, attendant le moment favorable pour abattre Napoléon. Il est bien décidé à se montrer jusque là le plus accommodant des alliés.
A ce titre, le mariage du parvenu Corse et de l'archiduchesse Marie-Louise, nièce de la reine Marie-Antoinette, trouve en Metternich l'un de ses principaux artisans. L'événement lui donne par ailleurs l'occasion de passer six mois à Paris. Il y vit dans la plus grande proximité avec le couple impérial, l'Empereur affectant de le traiter en ami. Un rapport rédigé à l'intention de François Ier résume en janvier 1811 les enseignements tirés par Metternich de son séjour : 1811 verra régner un calme relatif mais Napoléon réunira ses alliés au cours de l'année afin de préparer l'invasion de la Russie qui débutera au printemps 1812 ; l'Autriche doit donc profiter de l'année 1811 pour consolider ses finances et remettre sur pied son armée, avant d'observer en 1812 une attitude de neutralité armée.
Même si ce dernier objectif ne peut être atteint ‒ l'Autriche, en tant qu'alliée de la France, devant se résoudre à fournir un contingent de 30 000 hommes pour la Campagne de Russie ‒ cette analyse brillante servira de socle à la politique viennoise au cours des deux années à venir.
En 1813, pendant les premiers mois de la campagne de Saxe, Metternich fait mine de jouer les médiateurs entre les belligérants, France d'un côté, Russie et Prusse de l'autre. Il n'attend en fait que le moment le plus favorable pour rejoindre l'alliance que ces deux derniers ont scellée au château de Teplitz [Teplice]. Le 11 août, à l'échéance de l'armistice de Pleiswitz qui a interrompu les hostilités de juin à août, il propose à la France des conditions de paix inacceptables, après quoi l'Autriche déclare la guerre à son ancienne alliée.
L'année suivante, il conçoit et fait signer à Chaumont, le 9 mars 1814, la Quadruple alliance. Après la chute de Napoléon, il tente sans succès de conserver à Marie-Louise et à son fils Napoléon II le trône impérial. Il échoue également à s'opposer au traité qui donne à Napoléon la souveraineté de l'île d'Elbe. Son accord, concédé à contre-coeur, s'accompagne de cette remarque : Je mettrai mon nom au bas d'un traité qui en moins de deux ans nous ramènera sur le champ de bataille
.
Le congrès de Vienne qui réorganise l'Europe post-napoléonienne se tient sous la présidence de Metternich. Celui-ci, rallié à l'idée de Sainte-Alliance proposée par le Tsar Alexandre Ier malgré la méfiance que lui inspire le mysticisme du souverain russe, impose à tout le continent, jusqu'en 1830, une politique conservatrice dont l'objectif est la restauration du régime politique et social antérieur à la Révolution.
L'insurrection grecque ‒ en faveur de laquelle Metternich refuse d'intervenir ‒ et la chute de Charles X marquent la fin de quinze années de répression de tous les mouvements libéraux (en Allemagne, en Italie, en Espagne) et sonne le glas de ce système. Il ne se maintient plus qu'en Autriche même, où Metternich conserve le pouvoir jusqu'à ce qu'une nouvelle révolution l'en chasse définitivement, en mars 1848.
Aprés une fuite assez peu glorieuse, il trouve refuge en Angleterre puis, en 1849, à Bruxelles. Il rentre d'exil en 1851 et se tient à l'écart de la vie publique jusqu'à sa mort, le 11 juin 1859, à Vienne.
"Klemens Lothar von Metternich" par Sir Thomas Lawrence (Bristol 1769 - Londres 1830).
Conservateur convaincu, Metternich avouait de lui-même : "Le premier élément moral en moi, c'est l'immobilité".
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"Klemens Lothar von Metternich" par Sir Thomas Lawrence (Bristol 1769 - Londres 1830).
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"Klemens Lothar von Metternich". Miniature de Friedrich Johann Gottlieb Lieder (Potsdam 1780 - Budapest 1859).