Comte d’Erlon
Jean Baptiste Drouët naît le 29 juillet 1765 à Reims, en Champagne. Fils et petit-fils de charpentier, il devient lui-même apprenti serrurier avant d’embrasser la carrière des armes en s’engageant à dix-sept ans, en octobre 1782, dans le régiment du Beaujolais.
Libéré en 1787, il rejoint, à l'occasion de la Révolution française, le bataillon de chasseurs de Reims comme volontaire en août 1792. Au sein des armées du Nord, de la Moselle et de Sambre-et-Meuse, il sert comme soldat, puis caporal, et est élu capitaine en avril 1794 avant de devenir aide de camp du général François Joseph Lefebvre en mai 1794. Il prend part notamment cette année-là aux sièges de Valenciennes et de Condé puis se bat en Allemagne à ses côtés jusqu’en 1799. Sa carrière se développe harmonieusement. Il est nommé chef de bataillon provisoire en septembre 1795 puis adjudant général chef de brigade en février 1797. En mars 1799, il devient chef d’état-major de la division Lefebvre, puis de la division de Joseph Souham en avril, cette fois au sein de l’armée du Danube, commandée par André Masséna.
Drouet est nommé général de brigade le 25 juillet 1799, peu après la première bataille de Zurich. Il participe à la seconde, en septembre, dans la division du général Édouard Mortier. Après la réunion de l’armée du Danube à celle du Rhin, il sert en Allemagne sous Jean Victor Marie Moreau et Antoine Richepance, se battant à Erbach (mai 1800), Ulm (juin) et Hohenlinden (3 décembre), où il se distingue, mais reçoit une blessure. Il n’en poursuit pas moins la campagne jusqu’à son terme.
En août 1803, Drouet commande l’avant-garde de la division Joseph Hélie Désiré Perruquet de Montrichard dans le corps d’armée du général Mortier. Sa participation à la conquête du Hanovre lui vaut sa troisième étoile de général de division (27 août). La Légion d’honneur suit bientôt (chevalier en décembre, commandant en juin 1804).
Lors de la bataille d’Austerlitz (2 décembre 1805), il est à la tête de la 2e division du 1er corps d’armée dirigé par le maréchal Bernadotte.
En 1806, s’il participe au premier combat de la campagne de Prusse, à Schleiz, le 9 octobre, sa présence à la bataille d’Iéna est mentionnée par certaines sources, mais passée sous silence par d’autres. La suite des opérations le voit combattre à Halle (17 octobre) et Lübeck (6 novembre). Au début de l’année 1807, il occupe à nouveau des fonctions de chef d’état-major auprès de Lefebvre, qui dirige le siège de Dantzig [Gdansk]. En mai, il s’empare de l’île de Holm puis conclut et signe avec le gouverneur de la ville, Friedrich Adolf von Kalckreuth, la capitulation de la cité. Le 14 juin suivant, il est grièvement blessé à Friedland.
L’année 1808 le voit prendre le commandement de la 11e division militaire à Bordeaux et recevoir le titre de comte d’Erlon (une petite localité de l’Aisne) en mars.
Drouet d'Erlon occupe pour la troisième fois la fonction de chef d’état-major du maréchal Lefebvre en mai 1809 . Il le suit en Bavière puis dans le Tyrol avant de le remplacer à la tête du 7e corps à partir d’octobre. Il y termine avec succès la difficile lutte contre Andréas Hofer et ses partisans.
De retour en France en mai 1810, il regagne Bordeaux pour y diriger la division d’arrière-garde de l’armée d’Espagne. Il passe ensuite au commandement du 9e corps de celle-ci à la tête duquel il rejoint Masséna et l’armée du Portugal à Valladolid le 10 septembre. En mai 1811, il combat à Fuentes de Oñoro puis prend le commandement du 5e corps en Andalousie sous le maréchal Jean-de-Dieu Soult, y remplaçant le général Victor de Faÿ de La Tour-Maubourg. Toujours sous l’autorité de Soult, il dirige la 5e division d’infanterie et l’aile droite de l’armée du Midi en février 1812. En octobre de la même année, encore en Espagne, il devient général en chef de l’armée du Centre. Il participe à la malheureuse bataille de Vitoria le 21 juin 1813 puis commande le corps du centre de l’armée du Midi.
Il effectue à sa tête toute la campagne des Pyrénées. Il se bat au col de Maya (25 au 28 juillet 1813), sur la Nivelle (10 novembre), à Saint-Pierre d’Irube (9 et 13 décembre), à Orthez (27 février 1814) et à Vic-de-Bigorre (19 mars). Cette série de combats n’entrave pas la lente mais inexorable avancée des forces ennemies. Le 10 avril 1814, plusieurs jours après la première abdication de Napoléon (qu’il ignore, comme le reste de l’armée de Soult), Drouet se fait encore remarquer par sa combativité lors de la bataille de Toulouse.
Durant la première Restauration, Drouet d’Erlon, rallié à Louis XVIII, est fait commandant de la 16e division militaire (départements du Nord et du Pas de Calais), chevalier de l’ordre de Saint-Louis et grand-croix de la Légion d’honneur. Le nouveau régime n’a cependant guère à se féliciter de ses services. Le conseil de guerre qu’il préside en janvier 1815 acquitte le général Rémy Joseph Isidore Exelmans, accusé de correspondance avec l’ennemi (Joachim Murat en l’occurrence) et d’espionnage. Peu après, Drouet participe, peut-être à son corps défendant, au complot fomenté par les généraux François Antoine Lallemand et Charles Lefebvre-Desnouettes en vue de faire marcher sur Paris les troupes stationnées dans le nord de la France. Après l’échec de cette tentative, il est arrêté, mais retrouve la liberté le 21 mars et parvient cette fois à s’emparer de la citadelle de Lille.
Napoléon lui confie le 1er corps d’observation de l’armée du Nord le 6 avril et le nomme à la chambre des Pairs le 2 juin.
Pendant la campagne de Belgique, les ordres contradictoires qu’il reçoit de Napoléon et du maréchal Michel Ney, son chef direct, l’empêchent de prendre part aux batailles de Ligny comme de Quatre-Bras où son intervention aurait pourtant pu s’avérer décisive. À Waterloo, en revanche, il est chargé de l’attaque principale et s’en acquitte avec vigueur, mais peu de succès, bien qu’il finisse tardivement par s’emparer de la ferme de la Haye-Sainte .
Dans les jours qui suivent, Drouet ramène son corps d’armée derrière la Loire conformément à la convention de Saint-Cloud signée par le maréchal Louis Nicolas Davout. L’esprit de celle-ci, par contre, est bafoué par l’ordonnance royale du 24 juillet 1815, qui proscrit un certain nombre de personnalités ayant joué un rôle important durant les Cent-Jours. Drouet est l’un des premiers sur la liste. Aidé par des amis, il parvient à quitter la France et se réfugie en Allemagne, à Munich [München] d’abord, à Bayreuth ensuite, où il s’établit brasseur. Il y apprend en 1816 sa condamnation à mort par contumace prononcée le 10 août.
Charles X, à l’occasion de son sacre, grâcie Drouet le 28 mai 1825. Celui-ci rentre en France où il vit discrètement jusqu’à la révolution de Juillet. Celle-ci le ramène sur le devant de la scène. Pair de France en novembre 1831, il est envoyé à Nantes en 1832 pour réprimer les troubles dus au débarquement de la duchesse de Berry puis est nommé gouverneur général des possessions françaises dans le nord de l’Afrique le 27 juillet 1834. Son action ne s’étant pas traduite par de francs succès, il est rappelé le 8 août pour commander à nouveau la division militaire de Nantes. Le 9 avril 1843, le roi Louis-Philippe l’élève à la dignité de maréchal de France.
Drouet meurt à son domicile, à Paris, 8 rue Thiroux, le 25 janvier 1844.
Il est enterré à Reims, au cimetière du Nord .
"Jean Baptiste Drouët, comte d’Erlon". Gravure du XIXe siècle.
Le nom du maréchal Drouet d’Erlon est inscrit sur le pilier Est de l’arc de triomphe de l’Étoile.