Baron de l'Empire
Amédée (dit Amé ou Aimé)-Pierre Chastel vient au monde à Veigy, dans le duché de Savoie [aujourd'hui Veigy-Foncenex en Haute-Savoie] le 29 avril 1774. Son père, Nicolas Chastel, est un propriétaire foncier, libéral et franc-maçon, exerçant la fonction essentielle de l'administration municipale de son village, celle de notaire-secrétaire. Sa mère, Marie Favrat, le rattache à la bourgeoisie et à la petite noblesse du Chablais.
À l'imitation de ses quatre frères ainés, Pierre-Aimé effectue ses études au collège de Thonon, tenu par des religieux de l'ordre des Barnabites et dont son oncle Michel est un des responsables. Il s'y montre un élève sérieux et appliqué. Comme eux également, il accueille avec enthousiasme la Révolution française et s'enrôle dès août 1792 dans la légion des Allobroges, où il est versé dans une compagnie de dragons.
Excellent cavalier, il parcourt les grades avec célérité. Simple soldat lorsqu'il s'engage, il est caporal le 2 novembre 1792, sergent le 12 du même mois, sous-lieutenant le 6 décembre, lieutenant le 9 !
Avec son unité, il sert d'abord dans l'armée des Alpes puis dans l'armée devant Toulon, organisée pour assiéger la ville à la fin de 1793. En janvier 1794, il est promu capitaine à l'occasion de sa mutation dans un régiment de dragons d'élite qu'il rejoint en février. Il passe les deux années suivantes au sein de l'armée des Pyrénées-Orientales, avant d'être mis en disponibilité durant quelques mois, entre mars et juillet 1796.
Son retour au service s'effectue au sein de l'armée d'Italie, avec laquelle il participe à toute la campagne jusqu'au passage du Tagliamento, le 16 mars 1797. Ce jour-là, il est grièvement blessé à la tête de trois coups de sabre. Sa convalescence se prolongera longuement. En décembre 1797, son régiment est transféré à l'armée d'Helvétie puis à celle d'Égypte en mai 1798. À partir du mois d'août, il suit l'expédition en Haute-Égypte du général Louis Charles Antoine Desaix qui atteint la première cataracte du Nil. C'est au cours de ce périple qu'il découvre, peut-être en compagnie de Desaix et Augustin Daniel Belliard, le célèbre Zodiaque de Dendérah, un bas-relief de l'Égypte antique figurant le ciel et les constellations. Transportée en France en 1821, cette sculpture est devenue depuis l'une des pièces maîtresses du Département des Antiquités égyptiennes du Musée du Louvre. Chastel rentre en France en novembre 1801, sur l'Experiment, un bâtiment britannique qui participe au rapatriement du corps expéditionnaire français, conformément aux termes de sa capitulation.
Le 2 janvier 1802, Chastel est promu chef d'escadron, puis major le 29 octobre 1803. Le 26 mars 1804, il reçoit les insignes de chevalier de la Légion d'honneur.
Il retourne au combat en 1805, à l'occasion de la campagne d'Allemagne. Durant la bataille d'Austerlitz, Chastel démontre une nouvelle fois son courage. La récompense tombe quinze jours plus tard sous la forme d'une nomination comme major en second des Grenadiers à cheval de la Garde impériale, la crème de la crème de la Grande Armée. Dans ses rangs, il sert au cours des campagnes de Prusse puis de Pologne, participant à la fameuse charge monumentale d'Eylau. Une semaine après cet affrontement qui a considérablement éclairci les cadres, il est promu colonel.
En mars 1808, il reçoit le titre de baron d'Empire peu avant de partir pour l'Espagne où il se distingue lors d'une nouvelle charge de cavalerie : celle de la bataille de Burgos (10 novembre 1808). Elle lui vaut le grade d'officier de la Légion d'honneur (16 novembre).
La Garde accompagne ensuite l'Empereur en Autriche où la guerre reprend à l'initiative de la cinquième coalition. Chastel se bat à Essling (mai 1809) puis à Wagram (juillet). À l'issue des hostilités, il devient colonel-major des Grenadiers à cheval de la Garde.
Après avoir tenu garnison en France pendant un an et demi, Chastel retrouve le chemin des champs de bataille en Espagne. Il y gagne ses étoiles de général de brigade (7 août 1811).
Dans le cadre des préparatifs de la campagne de Russie, Chastel quitte la Garde pour prendre le commandement d'une division, avec le grade correspondant, dans le Corps de cavalerie du général Emmanuel de Grouchy (avril 1812). Durant les opérations, son unité participe à tous les principaux engagements, et en particulier aux assauts sur la Grande redoute lors de la bataille de la Moskowa.
L'année suivante, il passe dans le Corps du général Marie-Victor-Nicolas de Fay de La Tour-Maubourg. Il combat à Lützen, Bautzen, Kulm, Leipzig. Peu avant cette dernière, la cravate de commandant de la Légion d'honneur est venue récompenser sa conduite lors des premiers mois de la campagne de Saxe.
En 1814, Chastel ne prend qu'une part restreinte aux opérations, dans l'attente d'un commandement qu'il ne reçoit que le 18 mars 1814, comme commandant supérieur de toute la cavalerie entre Meaux et Paris. À ce poste, il tente de défendre la capitale lors de la bataille de Paris (30 mars 1814). Les jours suivants, Auguste Viesse de Marmont, connaissant la dévotion du général savoyard à l'Empereur, tient Chastel à l'écart des tractations qui préludent à la défection du maréchal.
Après l'abdication de Napoléon, Chastel se rallie à Louis XVIII, sollicite et obtient la croix de Saint-Louis, mais est simultanément placé en non-activité.
Il reprend du service dès le 31 mars 1815, commandant à nouveau une division de cavalerie. Celle-ci faisant partie du Corps de Grouchy, Chastel se bat le 18 juin à Wavre et non à Waterloo comme cela est souvent indiqué à tort.
Licencié avec le reste de l'armée des Cent-Jours le 22 octobre 1815, Chastel se retrouve derechef en non-activité.
Né sujet du roi de Sardaigne dans une commune qui a cessé d'appartenir à la France par le traité de Paris de 1814, Chastel n'est plus réputé Français, et se voit contraint de solliciter l'accès à la nationalité d'un pays qu'il sert depuis plus de vingt ans. On la lui fait attendre trois années durant, d'autant qu'il manifeste toujours un bonapartisme désormais de mauvais aloi. Il se fixe d'abord dans l'Ain, à proximité de sa région natale, mais doit se résigner à déménager dans le midi, assigné à résidence comme les autres officiers « étrangers ». Il y passe une année avant de recevoir enfin, en août 1817, ses lettres de naturalisation. Il se déclare alors domicilié à Ferney-Voltaire, mais loge habituellement à Genève, où il est le centre d'un cercle d'anciens militaires nostalgiques de l'Empereur.
Il est admis à la retraite en février 1825 et meurt le 16 octobre 1826, à Ferney-Voltaire, probablement d'une péritonite aigüe. Il est enterré au cimetière de Plainpalais, où sa tombe a aujourd'hui disparu.